Macky et Dionne Souverainistes Rejoignent Sonko!

C’est avec un très grand plaisir que nous écrivons cette contribution que nous considérons comme un épilogue de nos nombreuses contributions sur la nécessité de comprendre la vision consciente ou inconsciente de ceux qui nous dirigent ou aspirent à nous diriger. Nous remercions donc le Premier Ministre Dionne pour cette opportunité par son livre «Le Lion, le Papillon, et l’Abeille », car nous avons le sentiment de n’avoir pas écrit en vain si ceux qui ont incarné le Sénégal des 12 dernières années nous rejoignent sur la bipolarité des voies du développement de notre pays. Dans la souveraineté ou non, la décentralisation ou non, le choix est bipolaire entre l’État et les citoyens dans la quête du développement.

En effet, nous disions en 2019 à la veille de la Présidentielle (La Démocratie Sénégalaise Debout) que « la bipolarisation Macky-Sonko devait aussi consacrer le parachèvement de notre démocratie et de notre marche vers le développement car il n’y a que deux voies vers celui-ci, à nos yeux, en termes de vision. Il s’agit du leadership d’état par la socialisation de l’approche à travers l’état et son partenariat avec le capital étranger ou national, ou la responsabilisation des Sénégalais, de leurs communautés locales, et du secteur privé national, les exceptions pour se prévaloir d’un pragmatisme dans les deux approches ne changeant pas leurs essences. La première est socialisante et collectiviste et la deuxième est libérale. Est-ce que nous voulons prendre notre destin individuel et collectif local pour aller au développement, ou nous voulons donner à l’État le leadership de nous mener au développement ? Est-ce que nous voulons principalement compter sur notre secteur privé national aussi petit qu’il soit en mettant les conditions de son essor en place, ou nous préférons compter sur le capital étranger en partenariat avec l’État pour aller au développement ? Comment financer ces options?…Certains doivent objectivement rallier Macky Sall car ils ont la même vision que lui, et d’autres à Ousmane Sonko qui est le seul à avoir une vision différente de ce que nous avons fait ces 60 dernières années, notamment du point de la souveraineté économique. Ousmane Sonko a cependant assigné un rôle important à l’état dans sa vision du développement, mais nous l’exhortons à nouveau qu’il faudrait utiliser cet état pour responsabiliser les Sénégalais et le secteur privé national et par notre autonomie monétaire sénégalaise ou l’UEMOA seulement. Sinon, son offre ne sera pas différente de celle de Macky Sall et de tous les autres candidats qui nous ont exposé leur vision » disions-nous.

A la lecture du livre du Premier Ministre Dionne, préfacé par le Président Macky Sall, la paire Macky-Dionne, désormais souverainiste, confirme la bipolarité des voies du développement, et assume son socio-libéralisme dans ce cadre, rejoignant dans sa vision du monde, celle d’origine de Sonko emprisonné. Le Président Macky Sall nous dit que «l’Afrique se retrouve au carrefour de plusieurs mondes : des mondes qui déclinent plusieurs perspectives de la relation entre l’individu et la société….l’originalité de la démarche de Dionne est de penser le futur des économies africaines à partir de l’observation du comportement des sociétés animales ». Il nous faut noter ici, en ce qui concerne la préface du Président Macky Sall, qu’il y a des sociétés animales et non une société animale et que le choix entre l’individu et la société n’est pas nécessairement à l’échelle nationale car le choix de la société locale dans un ensemble national est un choix pour l’individu responsable dans sa communauté locale et non la société nationale d’abord. La double communauté est d’abord locale et nationale avant d’être sous-régionale. Il nous dit également que Boun Dionne a «donné une cohérence quotidienne à son projet politique, le Plan Sénégal Emergent ». En effet, Boun Dionne qui nous dit avoir «testé certaines recettes » quand il était aux responsabilités semble s’être chargé de la synthèse des contradictions idéologiques et doctrinales autour du Président Macky Sall (Macky Sall, Libéral, Socialiste, ou Souverainiste ?). Le PSE dans la première déclaration de politique générale n’était pas souverainiste, avait choisi la société sur l’individu par un état développeur, et comptait sur la transformation structurelle par le choix de secteurs exportateurs sans la maîtrise de son environnement national ouvert sur le monde (la vision du PSE est-elle adaptée au contexte).

Dans sa deuxième déclaration de politique générale, Boun Dionne a encore choisi la société sur l’individu, mais un état redistributeur «un Sénégal de tous, un Sénégal pour tous» plutôt qu’« un Sénégal de tous, un Sénégal par tous » qui n’exclut pas d’investir en l’individu, et avait ainsi abandonné son état développeur sous-financé dans un programme avec le FMI (la nouvelle vision du PM remplace celle du PSE). La formule «pour tous » est redistributive, la seconde « par tous » aurait été responsabilisante pour les sénégalais et leurs communautés de base. Ousmane Sonko dans son livre «Solutions » avait également fait le choix de la société sur l’individu (Ousmane Sonko et le Socialisme Congénital Sénégalais), choix que nous avions critiqué l’invitant à travers une décentralisation autonomisante et responsabilisante de faire confiance davantage à l’individu ou à sa collectivité locale. Il s’en est suivi son livre «Les Territoires du Développement» et son adhésion publique à l’idée d’une inclusion financière locale et une économie sociale et solidaire locale (Ousmane Sonko : Dilemme entre Libéralisme et Collectivisme).

Le PM Dionne qui a finalement glissé dans le souverainiste après avoir quitté la Primature, prône le protectionnisme transitoire d’import-substitution dans la ZLECAF. Cependant, il n’est pas arrivé à régler la contrainte du financement de son socio-libéralisme souverain car ses positions sur la monnaie sont encore à mettre en cohérence avec sa nouvelle vision souverainiste (Leadership Sénégalais : Cafouillage au Sommet). Les biens et services publics communs qu’il assigne à son état lion (infrastructure, éducation, santé, assainissement, sécurité, corriger les externalités), ne sont pas des biens et services publics d’un état développeur comme il l’appelle, ils sont les biens et services publics normaux d’un état libéral financé par des citoyens responsabilisés. Les citoyens papillons éduqués, formés, en bonne santé, donc agiles et financièrement inclus gages d’une démocratie économique découvrent les voies de leurs développements individuels et collectifs dans un environnement de liberté économique souverain. Organisés comme des abeilles dans leur diversité, ils doivent être dans des communautés locales libres et pas nécessairement dans une société d’un état unitaire confédéré, d’où l’importance de la fédération pour la liberté et la responsabilité aux échelles locales et pas seulement nationales et sous régionales.

Les Etats-Unis, donnés en exemple, sont un état libéral fédéré avec un souverain et sa monnaie qui ne dirige pas le développement à cette échelle. Les pays émergent d’Asie sont des États unitaires mais tous souverains sur le plan monétaire à l’échelle nationale et ont dirigé le développement. Le Sénégal est un état à la souveraineté monétaire externalisée, ce qui rend le socio-libéralisme souverain de Boun Dionne en réalité non-souverain car sa contrainte de financement le mettra à la merci du financement extérieur en devises et du capital étranger raison pour laquelle il milite pour une annulation de la dette extérieure par une rente perpétuelle à taux zéro pour la reconstituer par des choix conjoints. Ceci est impossible pour la dette soutenable du Sénégal. Il a donné à son état confédéré une monnaie dans le chapitre sur le souverainisme mais l’a retirée dans la conclusion du livre. Il semble avoir choisi la monnaie CEDEAO dans le corps du livre, monnaie qui sera nécessairement à parité fixe et consacrera le libéralisme internationalisé socialisant avec le patrimoine africain qui appartiendra aux étrangers (Présidentielle 2024 : DPG au FMI à reformuler). Son état unitaire sous financé à la souveraineté monétaire externalisée co-construira son développement et partagera sa souveraineté comme l’explique le livre car ses actifs et leurs revenus appartiendront significativement aux étrangers (Consensus de Dakar pas le choix de la Jeunesse Africaine).

La ZLECAF sans souverain et sans monnaie flexible, dans un état fédéré libéral sera le lit de la nouvelle domination de l’Afrique après la traite négrière, la colonisation, et l’ajustement structurel des crises d’endettement. La disparition redoutée de l’État africain défaillant trouvera sa matérialisation dans la ZLECAF prônée, si les regroupements régionaux n’ont pas de souverain avec une monnaie et des États fédérés libéraux. Si Boun Dionne veut mener une politique industrielle et commerciale stratégique comme la Corée ou avoir les leviers de la Norvège, il lui faut un État souverain avec une autonomie monétaire. La balkanisation décriée n’est pas un handicap, c’est l’incohérence des instruments dont on dispose quand on est balkanisé qui freine le développement. Les petits États Balkans nous ont tous dépassés avec leur autonomie monétaire. Ils entrent désormais dans l’union européenne libérale sans souverain ou exécutif fédéral, mais dans l’euro et les institutions libérales qu’il nécessite. En ce qui nous concerne, nous n’avons pas eu de projet libéral sans souverain à l’échelle sous-régionale et sommes restés pauvres balkanisés sans autonomie monétaire responsablement gérée. Voilà le sens d’une UEMOA balkanisée libérale en pôles régionaux ou un SENEXIT sans la mauvaise gestion du Ghana cité.

Nous réitérons notre appel au libéralisme patriotique progressiste que nous prônons. Il ne s’agit pas de libertarisme ou de néolibéralisme souvent invoqués pour épouser le collectivisme et choisir la société sur l’individu, le rôle d’encadrement de l’État n’étant pas en cause. Il s’agit d’avoir confiance aux africains, leurs PME, et en leur communauté de base pour éviter de leur imposer des superstructures collectivistes sans les instruments de leur souveraineté. Pour ce faire, nous devons aussi faire la synthèse des contributions de plusieurs de nos illustres penseurs, mais pour les dépasser car ils étaient tous marxistes et collectivistes. Un de ces illustres penseurs marxistes est Samir Amin dont nous venons de commémorer la disparition, et qui a soutenu qu’il fallait partir de Marx et non s’arrêter à lui. Il a proposé la déconnexion pour que nous puissions maîtriser le processus d’accumulation nationale de la richesse. Il avait raison, mais dans la méthode c’est le leadership de l’état en qui il avait confiance. Cheikh Anta Diop a théorisé l’état fédéral africain, mais dans la méthode il était également collectiviste et avait confiance en l’état développeur. A leur époque, dans une Afrique essentiellement rurale aux ressources humaines formées limitées, la superstructure socialisante de l’État était peut-être tout ce qu’ils pouvaient entrevoir face à l’impérialisme. L’Afrique à présent s’urbanise avec son repeuplement et le retour à la ruralité n’est pas notre avenir bien qu’il faille développer notre agriculture en partageant avec nos populations le fruit de la mise à disposition de leurs terres. De ce point de vue, nous préférons la formule «les ressources naturelles appartiennent aux collectivités locales mais aussi au monde » car il ne s’agit pas de les laisser en jachère si on n’a pas les moyens de les exploiter. Ce ne serait pas responsable, et les exploiter ne nécessite pas de se fédérer dans un collectivisme inutile si nous n’avons pas la discipline collectiviste, ni de faire du troc avec ces richesses pour financer des biens communs, ce qui serait une perte de souveraineté.

Si nous n’avons pas réussi à bâtir le panafricanisme par le haut, il nous faut dépasser la partie collectiviste de la vision de nos anciens et bâtir une Afrique par le bas qui peut être collectiviste. Être marxiste en partant de Marx, mais aussi libéral par la déconnexion (Eco et Libéralisme : Relever de défi d’Abdoulaye Wade). La nouvelle gauche, progressiste, doit faire le choix de l’individu, le choix de la liberté s’il abhorre le terme libéralisme. C’est pourquoi nous disons Liberté, Patriotisme, Progrès. Comme Boun Dionne le dit dans son livre, «La Souveraineté, c’est la Liberté, comprenons cette liberté comme une faculté intrinsèque à gouverner et agir par soi-même », j’y ajoute jusque dans nos communautés de base. Il ne s’agit pas de chercher le pouvoir et la force des grands ensembles par le haut, mais la somme des faiblesses. Amadou Makhtar Mbow l’a recommandé à son 100ie anniversaire car il reconnaissait que nous avons échoué par le haut. Par ailleurs, notre développement ne dépend pas de nos ressources naturelles qui peuvent bien rester dans le sous-sol et/ou s’exploiter dans nos communautés locales en partenariat avec des investisseurs étrangers. La richesse ce n’est pas celle du sous-sol, et le financement de notre développement ne proviendra pas nécessairement de l’exploitation de ressources naturelles. Ce ne sont pas les ressources naturelles qui ont fait la Norvège ou les pays développés ou émergents, et les ressources du fonds souverain norvégien sont essentiellement investies à l’extérieur.

Nous recommandons la lecture du livre de Boun Dionne à la lumière de ces analyses, pour que le lecteur ou l’aspirant à nous diriger se détermine sur la bipolarité doctrinale sans verser dans le pragmatisme qui va de soi puisque nous ne parlons pas d’extrême, mais d’orientation. De ce dernier point de vue, nous avons trouvé des convergences entre Boun Dionne et Boubacar Camara par exemple, notamment sur le rôle des ressources naturelles dans le financement des secteurs sociaux et les biens communs, l’industrialisation souhaitée, et la fédération avec des voisins proches. Il y a des convergences entre le désir d’industrialisation dans des pôles régionaux de Mamadou Lamine Diallo et la volonté d’une politique industrielle et commerciale stratégique de Boun Dionne (sa vraie vision et celle du Maire de Sandiara, et non celle redistributive de Macky Sall).

L’élection présidentielle de 2024 ne devrait avoir que 3 candidats. Le porte-drapeau des collectivistes socialisants sans souveraineté véritable et les souverainistes véritables avec une autonomie monétaire, et enfin un arbitre pour une alternative libérale si toutefois les souverainistes sont également collectivistes. C’est de ce dernier point de vue que la démocratie sénégalaise a besoin de pardonner à Ousmane Sonko et de le libérer et lui-même doit arrêter sa grève de la faim car ses adversaires ont rejoint son appel à la souveraineté collectiviste. Ayant choisi le souverainisme, le Premier Ministre Boun Dionne fait désormais également l’objet de notre Offre Publique d’Adhésion (OPA) amicale (Abdourahmane Sarr 2024, par responsabilité, si possible, et si nécessaire !) s’il est choisi par le Président Macky. Nous lui disons cependant que le dilemme du prisonnier avec lequel il a conclu son livre a comme solution optimale, la non « collaboration », l’individualisme et non le collectivisme. Dans un jeu répété où la solution collectiviste est systématiquement non gagnante, la bonne décision est de choisir l’individualisme. Dans le cas d’espèce, il s’agit du souverainisme libéral et non collectiviste avec une autonomie monétaire mais dans un état décentralisé et fédéral à toutes les échelles. A l’échelle locale, le collectivisme peut fonctionner car la collectivité locale est en fait un individu.

Librement

Abdourahmane Sarr

Moom Sa Bopp Mënël Sa Bopp

SARR 2024, Par Responsabilité, Si Possible et si Nécessaire !

Les déclarations de candidature à l’élection présidentielle de février 2024 approchent la cinquantaine, et à ce rythme nous aurons plus de 100 candidatures déclarées cherchant des parrains. Clairement, toutes ces candidatures ne peuvent pas avoir de différences fondamentales au vu de ce que nous savons des valeurs qui doivent guider l’engagement politique et des contraintes auxquelles les politiques publiques sont soumises.

A l’élection présidentielle de 2012, nous avions été candidat recalé au Conseil Constitutionnel par le parrainage qui ne s’appliquait alors qu’aux indépendants. Aux élections législatives de 2017, nous avons été tête de liste d’une entité parrainée regroupant des personnalités indépendantes. Le parrainage ne s’appliquait alors qu’aux indépendants qui n’étaient que 2 sur les 47 listes à ces élections, ce qui fait que notre message n’avait pas été audible. Le parrainage que nous avons soutenu pour cette raison, malgré le fait que nous en avions été doublement victimes, a été généralisé en 2019. Ceci s’est traduit en un assèchement du marché des parrains citoyens. Nous n’avions alors pas déposé en doublons les parrains insuffisants que nous avions collectés comme l’ont fait certains candidats qui ont finalement été recalés.

C’est donc tout naturellement que nous avons soutenu le parrainage des élus pour les partis politiques suffisamment représentés à l’Assemblée nationale et dans les collectivités locales, et le parrainage optionnel pour tous les autres. Dans le contexte de la bipolarisation APR-PASTEF ou MACKY-SONKO du champ politique partisan, des candidatures indépendantes ou non alignées sur ces deux lignes partisanes à la notoriété certaine, doivent être justifiées. Si elles sont simplement électoralistes, elles doivent s’aligner à l’un de ces deux blocs avant l’éventualité d’un deuxième tour. C’est la position que devaient tenir tous les membres de la coalition Yewwi Askan Wi vis-à-vis d’Ousmane Sonko qui a été leur leader de fait (Voir Yewwi Askan Wi : Erreur Stratégique de PASTEF).

De notre point de vue, une candidature indépendante ou non alignée sur ces deux blocs doit remplir au moins deux conditions. La condition de premier ordre, et nécessaire, excluant les cas d’inéligibilité, est bien sûr le parrainage d’où le deuxième élément du titre de cette contribution conditionnant une candidature à sa possibilité. Comme nous le disions, l’expérience nous a montré que la réussite du parrainage ne garantit pas le succès électoral ou le passage du filtre de son évaluation, et l’embouteillage de la recherche de parrains dénature sa raison d’être. Ensuite, la condition de second ordre, et suffisante, est l’inexistence d’une offre similaire portée par une personnalité politique à la notoriété supérieure et inégalable d’ici la date de l’élection, d’où le critère de la nécessité dans le titre de cette contribution.

De ce fait, nous nous proposons dans les mois à venir de rencontrer les candidats à la notoriété perceptible qui se sont déclarés et/ou de nous imprégner dans le fond de leur vision. Ces rencontres d’échange nous permettront de déterminer et de clarifier, de part et d’autre, dans quelle mesure leur vision diffère de la nôtre et de celles des camps bipolarisés. Ces consultations pourront éventuellement déboucher sur notre soutien, ou en un soutien de ces candidats à une vision partagée à porter par le candidat remplissant les conditions de premier et de second ordre énoncées.

Le candidat Ousmane Sonko, à la notoriété supérieure et difficilement égalable, sera prioritaire puisqu’il s’est publiquement exprimé sur nos convergences et l’opinion doit comprendre l’essence de notre Offre Publique d’Adhésion (OPA) à son endroit et à ses soutiens (voir Soutien à Sonko, OPA sur Yewwi-Wallu). Lui-même pourra éventuellement s’exprimer sur nos divergences résiduelles. Il est également l’autre acteur de la bipolarisation partisane dont la vision par rapport au statu quo à changer doit être épousée ou rejetée par les autres candidats de l’opposition pour que leurs candidatures ne soient pas purement électoralistes. Dans l’éventualité de divergences résiduelles fondamentales, nous espérons qu’il sera candidat ou aura un candidat pour que cette divergence puisse faire l’objet de débat. C’est de ce point de vue qu’une candidature de clarification serait une responsabilité. Si nous n’avons pas de divergence et que sa candidature est empêchée, son soutien sera sollicité. Sollicité, d’abord pour des élections paisibles, et ensuite également par responsabilité pour la présence d’un projet souverainiste de libération du Sénégal, et à travers lui l’Afrique, comme l’avait souhaité Mamadou Dia. Cela dit, nous lui souhaitons d’abord de sortir des griffes de dame justice et en bonne santé.

Enfin, les deux autres cibles prioritaires seront Karim Wade et Khalifa Sall. Pour le premier, ce sera pour le libéralisme véritable auquel nous croyons et que devrait représenter le PDS du futur. Pour le deuxième, ce sera pour la décentralisation à laquelle lui et le peuple des assises nationales croient, mais qui doit être dans la liberté et la démocratie sociale locale pour que la solidarité nationale et locale soient libres.

Ainsi, nous soutiendrons ou porterons une candidature par conviction et par responsabilité. Selon Max Weber, on agit par éthique de conviction lorsque nous agissons sur la base de valeurs quelles que soient les conséquences de ses actes. On agit par éthique de responsabilité lorsqu’on agit sur la base des conséquences souhaitables ou non de ses actes. De ce fait, agir par éthique de responsabilité peut inclure assumer la responsabilité des conséquences dommageables du point de vue des valeurs, par exemple envoyer des soldats à une mort certaine pour les résultats et éviter un pacifisme rigide dommageable, ou encore faire avorter une femme pour sauver sa vie et éviter la mort de l’enfant et de la mère par rigidité morale.

Le Président Macky Sall aurait pu par éthique de responsabilité décider de se présenter à un troisième mandat, s’il juge que le droit le lui permet, et qu’il est le seul à pouvoir faire gagner son camp pour la poursuite du PSE qu’il pense meilleur pour le Sénégal. Il aurait alors endossé les morts dans cette quête qui aurait rencontré une opposition farouche. Il dit avoir choisi l’éthique de conviction, sans pression, car ses valeurs ne lui permettaient pas de se renier et le Sénégal regorge de compétences. Nous pensons cependant que Ousmane Sonko y a joué un rôle. A-t-il aussi été responsable ? Il essaie de l’être en voulant choisir le candidat de son camp à la place du peuple et de ses propres partisans pour le PSE. Il peut aussi dans cette perspective avoir décidé d’éliminer Ousmane Sonko quel qu’en soit le prix, s’appuyant sur des bases objectives (les erreurs de ce dernier) comme il l’avait fait avec Karim Wade et Khalifa Sall qu’il remet dans le jeu sur des bases également objectives (ils ont purgé leurs peines). Ousmane Sonko devra lui aussi s’assurer par conviction et par responsabilité que le projet de libération auquel il dit croire aboutisse sans essayer d’empêcher la tenue d’élections s’il ne peut pas y participer.

Notre conviction est qu’il faut que les protagonistes de la bipolarisation politique, Macky Sall et Ousmane Sonko, comprennent que les Sénégalais veulent que l’application des deux éthiques soient compatibles avec des conséquences non dommageables de leurs actes : c’est-à-dire pas de morts et une compétition électorale sur la base de projets. Il s’agira de juger le PSE et de lui opposer une alternative. Si Ousmane Sonko ne peut pas être candidat, il devrait se satisfaire du fait qu’il a contribué par conviction et par responsabilité à faire en sorte que Macky Sall renonce à une candidature qui aurait causé des morts. Puisque ce n’est pas une affaire personnelle, par conviction et par responsabilité, s’il ne peut pas être candidat, il devra soutenir une candidature pour l’objectif de libération du Sénégal dans la paix.

De ce fait, en parallèle, pour une vision et non un homme, nous chercherons des parrains députés ou chefs de collectivités locales imprégnés des politiques publiques et qui représentent les citoyens qui les ont élus en 2022. Ces élus, notamment les députés dont les mandats seront abrégés par le prochain Président, devraient pouvoir parrainer un candidat sur la base d’une offre non représentée à laquelle ils auront été convaincus. Les maires dont les mandats sont assurés jusqu’en 2027 devraient aussi davantage se soucier de leur réélection sur la base de leur bilan qui sera évalué à mi-mandat de celui du prochain Président, plutôt que sur la base d’une allégeance uniquement partisane. Dans cette perspective, les maires des grandes villes du pays (Dakar, Saint-Louis, Ziguinchor, Kaolack, Thiès) épicentres de pôles régionaux de coopération et de dialogue territorial, que nous souhaitons autonomes, seront nos premières cibles. En effet, qu’ils soient du pouvoir ou de l’opposition, ils sont la clé du succès d’une solution concrète d’inclusion financière, d’autonomie financière, et de relance économique qu’ils peuvent aider à mettre en œuvre (voir Relance Post Covid Endogène : Comment ?).

Nous avons opté pour cette stratégie afin de pouvoir contribuer positivement à la clarification de la voie que le Sénégal empruntera à la croisée des chemins de 2024. Pour nous, il devrait s’agir d’une alternance doctrinale par une convergence autour de notre propre modèle de libéralisme. Ce libéralisme nous ne l’avons véritablement jamais connu, bien que nous soyons passés par les programmes d’ajustement structurel pour des raisons de déséquilibres macroéconomiques. Nous avons baptisé cette vision Libéralisme Patriotique Progressiste.

Liberté, car cette vision compte responsabiliser les Sénégalais et leurs communautés de base pour leur développement dans la liberté économique et la démocratie autour de grandes villes épicentres de pôles régionaux avec un rôle d’accompagnement et d’encadrement de l’État central. Patriotisme, car elle compte, par l’inclusion financière et l’autonomie monétaire, libérer les Sénégalais de l’emprise internationale et garantir les conditions du financement des aspirations de nos petites entreprises pour réaliser la démocratie économique. Progrès, car elle sera pour la diversité culturelle et cultuelle ainsi que des citoyennetés et sera contre le conservatisme du statu quo de la gestion collectiviste, socialisante, et centralisée des 63 dernières années de notre pays, le SYSTÈME. Nous pensons que cette vision peut fédérer les patriotes, la gauche, et les libéraux dans une large convergence idéologique et doctrinale à expliquer aux masses afin de définir un nouveau pouvoir du peuple. La gauche, en particulier, doit opérer une mutation qui consistera à séparer ses valeurs et ses méthodes pour arriver à ses fins, méthodes qui ne doivent pas nécessairement être collectivistes et socialisantes comme par le passé car elles ne nous ont pas réussi. Il s’agira d’un nouveau sens commun, un Rassemblement Pour la Liberté et le Développement, Moom Sa Bopp, Mënël Sa Bopp.

L’élection présidentielle de 2024 sera pour la première fois une élection lors de laquelle les Sénégalais choisiront plutôt que d’éliminer un Président. Dans la mesure où le camp du pouvoir assume son bilan, les Sénégalais pourront juger le bilan et la vision correspondante si le candidat du pouvoir ne la change pas. Cette vision doit être comprise et valablement challengée par ceux qui aspirent à nous diriger. Dans le contexte d’une bipolarisation partisane, les citoyens non partisans et non alignés devront arbitrer en connaissance de cause.

Les élus grands électeurs doivent donc, par responsabilité, utiliser le pouvoir de parrainage qui leur a été donné pour rendre possible, si elle est nécessaire, une candidature consensuelle d’arbitrage, et cette candidature n’est pas nécessairement celle de l’auteur de cette contribution.

Librement

Dr. Abdourahmane Sarr

Président CEFDEL

Moom Sa Bopp Mënël Sa Bopp

Présidentielle 2024: DPG au FMI à Reformuler

Le Président Macky Sall, clôturant le dialogue national, s’était dit admiratif des non-alignés et s’était demandé de qui et de quoi les non-alignés étaient-ils indépendants. Nous avions alors promis une réponse après qu’il se fut prononcé sur le troisième mandat. N’étant plus partant, le monde entier l’a félicité car il a permis à la démocratie sénégalaise de rayonner, et plus fondamentalement, il permettra aux Sénégalais d’avoir pour la première fois des débats de fond sur la direction du pays. Par ailleurs, nous avions également dit que l’honnêteté voudrait que nous félicitions aussi Ousmane Sonko, car l’histoire retiendra qu’il a, par son attitude, accompagné la jeunesse pour qu’elle ait le courage de mettre une pression qui a nécessairement eu ses effets à l’intérieur comme à l’extérieur du pays pour préserver notre démocratie. C’est donc tout à l’honneur des deux protagonistes de la bipolarisation politique que nous soyons à cette croisée des chemins rendant toute sa pertinence à la question de savoir de qui et de quoi les non-alignés sont-ils indépendants.

D’une part, le président de la République a carte blanche pour désigner le candidat unique et consensuel de sa coalition afin de défendre le bilan et la continuité de la ligne du Plan Sénégal émergent (Pse). Nous avions baptisé cette ligne : «Libéralisme internationalisé socialisant.» Elle compte sur la co-construction de notre développement avec le financement extérieur en devises du privé comme du public sans autonomie monétaire pour ensuite redistribuer les fruits d’une croissance éventuelle. Elle ne libère pas les énergies du Peuple lui-même, ce qui en fait un paradigme collectiviste, et fera de l’Afrique la locomotive de l’agenda du monde. Cette vision, qui ne nous a jamais réussi, vient d’être réaffirmée dans le programme du gouvernement avec le Fonds monétaire international (Fmi). En effet, comme nous l’annoncions en décembre 2022 suite à la Déclaration de politique générale (Dpg) du Premier ministre Amadou Ba, la vraie Dpg était reportée pour mi-2023. La Dpg des 3 prochaines années 2023-2026, publiée par le Fmi en juillet 2023, sera encore une fois une politique d’austérité pour corriger les mêmes erreurs que nous faisons depuis 63 ans, et qui n’ont rien à voir avec les effets du Covid-19 ou de la guerre en Ukraine car nous ne pouvons plus financer notre autonomie. Nous sommes, comme en 2012, au même point avec les mêmes circonstances. Notre Etat ne peut pas réaliser notre développement dans le paradigme actuel de gestion de notre pays qui est basé sur la dette extérieure en devises concessionnelle ou pas, option qu’il faut changer avec l’accompagnement nécessaire.

D’autre part, qu’on le veuille ou non, Ousmane Sonko est de facto le chef de l’opposition partisane, toutes tendances confondues, car personne dans l’opposition n’a une ligne fondamentalement différente de celle du pouvoir. Il a une option souverainiste mais également collectiviste qui veut, dans l’autonomie monétaire, s’affranchir de l’étranger tout en collectivisant avec un Etat développementaliste fort et déconcentré la direction du pays. Il n’est pas dans la co-construction, mais tout en promettant de s’affranchir de l’étranger, ce qui ne sera possible que dans une certaine mesure, il vous promet un Etat qui ne libérera pas nécessairement les énergies du Peuple. Yewwi askan wi de l’étranger mais Yeww askan wi de l’intérieur même dans le cadre de la décentralisation car le parti Pastef et ses alliés sont des collectivistes également conservateurs sur le plan social et culturel. Une Gauche à moitié.

Cette bipolarisation signifie que les Sénégalais pourraient avoir à choisir entre deux lignes partisanes en 2024 qui ne sont pas nécessairement ce qui leur faut. C’est de ce point de point de vue qu’un bloc non partisan unifié, donc non aligné sur ces lignes partisanes caractérisées, pour répondre à la question de son indépendance de «qui et de quoi», est nécessaire. Il est nécessaire pour clarifier le débat et permettre aux Sénégalais de choisir leur prochain Président en connaissance de cause et non suite à une manipulation politicienne et populiste quel que soit l’hameçon.

Notre préférence indépendante est la souveraineté, mais dans le libéralisme et l’autonomie monétaire nationale ou sous-régionale dans l’Uemoa seulement, et aussi dans le progressisme social et culturel. Ceci, pour responsabiliser les Sénégalais et le secteur privé national ou sous-régional dans leur propre développement et choix culturels de même que ceux de leurs communautés de base autonomisées avec une Côte d’Ivoire acquiesçant. A défaut, ce sera Senexit pour ces objectifs. Cette vision plusieurs fois déclinée et baptisée «Libéralisme patriotique progressiste» (Senexit : Libéralisme patriotique ou socialisme ?) fait l’objet d’une offre publique d’adhésion. Amicale, elle le sera par rapport aux forces partisanes bipolarisées, hostile elle fera l’objet d’un portage citoyen avec une candidature indépendante non partisane à la Présidentielle de 2024.

Ainsi, le Sénégal, comme à son habitude, vient de boucler un cycle de déficits budgétaires excessifs, résultant en un endettement en devises excessif, nécessitant un ajustement avec le financement en dernier ressort du Fmi. Le Fmi nous dit que le Pse n’a pas réussi sa promesse de transformation structurelle de l’économie et que notre endettement a financé des infrastructures qui, quoique utiles, n’ont pas contribué à une croissance durable tirée par le secteur privé et génératrice d’emplois et de progrès social.

Commentant la Déclaration de politique générale du Premier ministre Amadou Ba, nous disions que le Sénégal n’avait pas son destin en main et que la politique de la Bceao, qui détermine nos possibilités de financement, dirige les politiques que nous pouvons mener de façon autonome (Amadou Ba : Dpg Reportée Candidat de la Continuité). La Bceao, étant contrainte dans son autonomie du fait de ses propres contraintes de devises, est elle-même à la merci du financement extérieur en devises de nos Etats. Dans le contexte d’un accès difficile aux marchés internationaux du fait de la conjoncture internationale défavorable, notre prêteur en dernier ressort, le Fmi, devient de facto notre Etat central et dirige. Le Fmi financera avec ses instruments classiques, et prétextant le changement climatique pour compléter, près de 50% de nos besoins dans les trois prochaines années et dirigera les orientations des bailleurs qui nous apporteront les compléments selon leurs agendas. Si le pouvoir devait être dans l’opposition avec Macky Sall comme son chef, leur retour au pouvoir serait facilité par 3 années de correction de leurs propres erreurs. Si le pouvoir devait continuer dans sa direction des 12 dernières années, le Sénégal ne changerait pas.

Ainsi, la direction vers laquelle le Fmi nous pointe après nous avoir dit, fait rare, que notre taux de change était surévalué et que nous devions nous financer en monnaie nationale ou en dette extérieure concessionnelle mais en devises, est à reformuler. Cette direction acceptée par notre Etat lui-même, reconnaissant que le bilan n’a pas produit les résultats escomptés du Pse et que les ressources pétrolières et gazières en perspective sont limitées et n’auront pas d’impact sur notre cadre économique, peut-elle être la bonne ? Notre réponse est non, mais le Fmi ne peut nous accompagner que dans le cadre de contraintes que nous nous imposons nous-mêmes. Corriger notre cadre macroéconomique oui, mais nous ne le répéterons jamais assez. C’est notre choix d’ancrage monétaire d’une part, et nos options collectivistes d’autre part qui mettent l’Etat ou l’étranger au cœur de notre stratégie de développement faute de pouvoir impulser un processus endogène de création de richesses avec l’étranger en complément qui sont notre problème.   Nous exhortons les camps partisans, donc alignés et bipolarisés, de changer de paradigme pour pouvoir vendre à la jeunesse des promesses d’emplois qu’ils pourront tenir, à défaut, ce sera le populisme de tous bords dénoncé par le Président lui-même dans son récent discours. La jeunesse, dans toutes ses composantes, aspire à prendre son destin en main et a besoin d’un candidat d’espoir car son avenir est devant elle, et elle ne peut pas porter le fardeau des choix des anciens sur le dos. Comprenne qui pourra !

Librement

Arbitrer deux Forces Partisanes: APR et PASTEF

A la veille des législatives de 2022 nous disions que le champ politique sénégalais partisan bipolarisé Yewwi-Benno était une bonne chose pour notre démocratie à la croisée des chemins en 2024. Une bonne chose car il permettait un arbitrage citoyen non partisan engagé puisque les deux camps nous disent que le pouvoir appartient au peuple.

De ce fait, il fallait construire une force citoyenne non partisane pour arbitrer la bipolarisation. Le F24 ayant incorporé des forces partisanes d’opposition aux intérêts divergents, notamment Yewwi, a fait la même erreur congénitale que Yewwi: Absence de projet commun et d’objectivité, mais volonté d’unité d’action. Sa manifestation a donc de facto démontré que le leader des forces partisanes d’opposition est bien Ousmane Sonko, l’absent le plus présent de leur manifestation de vendredi.

Nous rappelions les principes du “Exit, Voice, and Loyalty » comme disait l’autre « Partir, S’exprimer, et Loyauté « . En politique ou dans les organisations, ceux qui ne sont pas d’accord et ont où aller sortent du groupe s’ils ne peuvent pas exprimer leur désaccord en interne et ne peuvent être loyaux à un certain consensus. Nous l’avons observé dans Yewwi (Barthélémy Dias, Maire de Dakar) dans Benno (Idrissa Seck, Candidat Obligatoire).

S’ils n’ont pas où aller, dans notre champ politique partisan bipolarisé, ils restent loyaux et n’expriment pas leur désaccord ou l’expriment tendrement (Khalifa Sall). S’ils peuvent exprimer leur désaccord et ont où aller, ils peuvent rester pour bâtir un consensus démocratiquement acceptable auquel ils pourraient en retour être loyaux (Ousmane Sonko). Sans Macky Sall (APR) Benno n’est rien et sans Ousmane Sonko (PASTEF) Yewwi n’est rien. Ils sont les seuls à pouvoir quitter leur groupe sans y perdre des plumes. La classe politique sénégalaise au pouvoir et dans l’opposition est donc prise en otage par deux leaderships dans un « mortal combat » dont l’épilogue pourrait bien être cette semaine: il y aura procès avec prise de corps ou pas?

Le problème du Sénégal de 2024 ne devrait pas être une compétition électorale électoraliste et un rapport de forces violentes (État et Citoyens) mais de visions. A l’heure où nous parlons seul PASTEF a une vision différente du statu quo à arbitrer.

Une force citoyenne non partisane unifiée est toujours nécessaire, à défaut, la majorité silencieuse devra se résigner à la partisanerie électoraliste.

Librement

OUI Monsieur le Premier Ministre

Nous espérons que Boubacar Camara appréciera avec humour le titre de ce texte de clarification puisqu’il nous a décerné la qualité de président de la République à la suite de notre revue de son livre « Construire le Sénégal du Futur » dans notre contribution intitulée « Boubacar Camara : président ou Premier ministre ».

Le futur du Sénégal nous est tellement cher que lorsqu’on en parle, croyez-nous, nos opinions sont dépourvues de toute personnalisation et nous ne pouvons être le bras armé de personne. Pour cette même raison, la critique publique écrite et réfutable est toujours proposée, critique avec laquelle tout un chacun peut être en désaccord argumenté. C’est ce que Boubacar Camara a fait tout en réaffirmant ce que nous avions déjà compris, c’est-à-dire : « Il doit être clair pour tous que les ressources naturelles sont l’épine dorsale du modèle de développement que je propose et servent à la fois de levier et source de financement équitable », nous dit-il.

Pour cela, sa vision est décrite ainsi qui suit « Bâtir un Sénégal prospère par un capital humain épanoui à partir de l’exploitation judicieuse des ressources naturelles [notamment par l’optimisation de toutes les chaînes de valeurs des produits, en renforçant les acteurs essentiels de la société] pour un développement durable ». C’est précisément de cette vision basée sur les ressources naturelles dont nous ne voulons pas, nous lui préférons une bonne gestion par des ressources humaines de qualité libérées d’un État pesant aux choix plus que discutables.

Nous n’avons donc aucun désaccord profond autre que sur la vision car la reformulation de la vision que nous lui avons proposée, après lecture annotée des 300 pages de son livre, capture sa préoccupation sur le capital humain et ses interventions souhaitées : « Un Sénégal associé à ses proches voisins dans un État fédéral libre, développé, et bien géré dans la solidarité à travers l’industrialisation financée par le troc de ressources naturelles en échange des investissements nécessaires. Dans les investissements nécessaires entendez tout ce que Boubacar Camara veut financer par le troc, d’une part, par son État développementaliste (les chaînes de valeur choisies) et, d’autre part, le capital humain pour lequel nous n’avons aucun souci et que nous mettons au rang de priorité que l’état soit développementaliste ou pas. Sans les ressources humaines de qualité, jeunes, femmes, bref ses fils et ses filles, le Sénégal ne pourra pas être bien géré et ne pourra pas conduire son industrialisation.

Le Sénégal, à la croisée des chemins en 2024, devrait être confié à un président de la République à la vision comprise par ceux qui peuvent la comprendre et qui l’acceptent. Notre revue du livre de Boubacar Camara a tiré comme conclusion que sa vision présentée n’est pas désirable pour le Sénégal de notre point de vue car elle se résume à un mode de financement qui ne libèrerait pas l’Afrique, et est inadaptée à un pays « frontier market » comme le Sénégal. Nous avons dépassé le stade du « bartering » pour vendre nos projets potentiels en partenariats public-privé. Nous Sénégalais, et pourquoi pas la classe politique, pouvons avoir un consensus sur le reste des développements de son livre.

Notre revue a permis à Boubacar Camara de réaffirmer deux choses, d’abord réitérer avec force l’amalgame qu’il fait entre un mode de financement et la structuration appropriée d’un partenariat public privé, ensuite sa vision du développement par les ressources naturelles. Tout ce qu’il écrit sur la structuration de projets à travers des « Special Purpose Vehicles », notamment, est vrai mais il n’est point besoin de faire dans le troc pour atteindre ces résultats lorsqu’on a un État bien géré qui a un bon cadre macroéconomique et qui a accès aux marchés financiers internationaux (nous ne parlons pas de bailleurs de fonds bilatéraux ou multilatéraux). Ce n’est peut-être pas la tasse de thé ou de café de Boubacar Camara mais un Sénégal libre dans une Afrique libre devra se faire par le moyen de stratégies à moyen terme d’endettement séparées de ses projets viables finançables par partenariats public privé.

Dans la bonne gestion de la dette souveraine, les déficits et les charges de la dette (intérêts et capital), ce que nous appelons les déficits primaires et les charges de la dette sont refinancés et peuvent ne rien avoir à voir avec les flux de projets spécifiques structurables. Les arguments que Boubacar Camara nous sert le prouvent : « le choix du recours aux ressources naturelles ne doit être écartée ou relégué au second plan…structurer des financements en procédant à un troc…le tout c’est de bien le faire….on se présente aux marchés financiers autrement avec des garanties solides ». La meilleure garantie c’est la bonne gestion du risque souverain d’une part (macroéconomique et structurel), et la bonne structuration de tous les projets d’autre part. Nul besoin de faire du troc pour atteindre les deux objectifs à moins de n’avoir aucune confiance en soi en dehors d’un « special purpose vehicle » avec lequel on peut par ailleurs avoir tous les avantages listés par Boubacar Camara sans convention de troc. Encore une fois, certains pays africains n’ont pas d’autres choix que le troc avec des partenaires spécifiques et/ou d’offrir en garantie les flux de devises sur leurs ressources naturelles privant leurs banques centrales des mêmes devises pour une gestion macroéconomique responsable et souveraine dans la liberté. « La disponibilité d’un partenaire financièrement solide et doté d’une expérience avérée qu’il convient évidemment de sélectionner dans des conditions transparentes », comme le dit Boubacar Camara, ne nécessite pas de troc de ressources naturelles.

Revenant à la personnalisation supposée du débat, n’étant pas d’accord avec la vision de Boubacar Camara pour notre pays, nous lui disons en toute sincérité qu’il a convaincu sur un autre volet, et nous pensons que c’est son parcours qui l’a justifié. De la même manière que ses projets de troc qu’il a vécus ne nous agréent pas pour le Sénégal, Boubacar Camara, de son vécu dans l’administration, nous a proposé 36 secrétaires d’État dont les ministres ne seraient pas les patrons mais le Premier ministre pour dépolitiser l’administration. Nous avons jugé que cette administration qu’il nous a proposée pourrait lui être confiée puisqu’il ne nous a pas convaincu sur la vision. Il a toute notre confiance, pas nous en tant que président de la République, et pourquoi pas, mais un nous en tant que personne et un nous potentiellement collectif de Sénégalais que notre critique aura convaincus.  Nous sommes loin d’accuser Boubacar Camara de chercher un poste de Premier ministre. Il peut être assuré, en revanche, que les thèses de notre revue ont bien évidemment eu comme objectif de marquer notre différence maintes fois exprimées. Que Boubacar Camara ne veuille pas jouer les seconds couteaux est de son droit, mais nous ne sommes pas convaincus de la vision qu’il propose car elle ne libérera pas le Sénégal du statu quo d’un État centralisé, développementaliste, qui n’aura pas les moyens de sa politique, ni seul, ni dans une fédération avec ses voisins qui ne pourra avoir qu’une banque centrale hors de portée. Ce dernier point peut être davantage développé si nécessaire car il est lié à tous les schémas de financement, y compris le troc proposé.

Pour l’heure, nous espérons que Boubacar Camara pourra convaincre les Sénégalais qu’il a une meilleure stratégie de financement que les candidats déclarés qui nous proposent également de nous développer par la transformation structurelle dirigée de notre économie ou de nous développer par les ressources naturelles à travers un état développementaliste bien financé. Pour changer de cap, il nous dit lui-même :  le commandant du navire doit disposer de tous les outils nécessaires pour déterminer la nouvelle route à suivre et se donner les moyens de s’y maintenir en faisant face à toutes les intempéries. Ce commandant, en l’occurrence l’état, notamment son bras technique, l’administration publique, doit administrer le navire et sa cargaison…l’administration doit…s’arracher des griffes de la politique…». On ne peut pas faire du troc de ressources naturelles sans avoir des valeurs collectivistes que Boubacar Camara partage avec bien d’autres qui n’ont pas choisi le troc, qu’ils débattent sur leurs visions partagées.

Nous préférons responsabiliser les Sénégalais, leurs entreprises, et leurs collectivités locales, « la cargaison », et laisser l’État s’occuper de ce qui nous est réellement commun dans la diversité cultuelle, culturelle, et des citoyennetés. Il ne s’agit pas ici de néolibéralisme, car l’État peut avoir des rôles à circonscrire par nécessité ou opportunité, précision pour parer aux réactions épidermiques des collectivistes.

Nous ne sommes pas encore candidat mais si on devait l’être ce sera pour porter la vision d’un Sénégal de liberté, de patriotisme et de progrès qui fait effectivement l’objet d’une offre publique d’adhésion.

Librement.

Boubacar Camara: Président ou Premier Ministre

C’est avec plaisir que nous nous sommes attelés à la lecture attentive du livre de Boubacar Camara « Construire le Sénégal du Futur ». Nous nous étions promis de lui consacrer un article du fait de notre perception de la sincérité de son auteur dans son engagement pour le Sénégal et également pour contribuer à attirer l’attention sur son importance. Son livre est effectivement paru en même temps que celui de Cheikh Yerim Seck « Macky Sall face à l’histoire » qui l’a éclipsé puisque traitant du sujet favori des Sénégalais, les intrigues politiques.

Suite à la lecture du livre, nous sommes arrivés à la conclusion que le dernier chapitre devait être le premier et la vision définie au début du livre reformulée ainsi qui suit pour être plus exacte : Un Sénégal associé à ses proches voisins dans un État fédéral libre, développé, et bien géré dans la solidarité à travers l’industrialisation financée par le troc de ressources naturelles en échange des investissements nécessaires. Nous aurions ensuite titré le livre : « Le Sénégal Leader dans une Afrique Nouvelle ».

De ce fait, au-delà de la bonne gouvernance et de la solidarité, la thèse principale de Boubacar Camara se trouve dans sa stratégie de financement par le troc de ressources naturelles qu’auraient les états fédérés et à défaut de cet état à court terme, le Sénégal qui changerait de cap. Nous disions dans des contributions précédentes que l’alternance au pouvoir dans un pays pouvait se justifier par trois facteurs : 1) Une mauvaise allocation des ressources budgétaires 2) Une gestion peu efficiente, efficace, et éthique des affaires publiques 3) une mauvaise stratégie de création de richesses, ou les trois à la fois. Pour nous, le problème principal du Sénégal se trouve dans notre stratégie de création de richesse car dans le contexte d’une grande pauvreté, une mauvaise allocation de ressources insuffisantes, le manque d’éthique et d’efficacité d’un état centralisé source de convoitises corruptrices, et l’incapacité de financer la solidarité, sont des conséquences pour les libéraux que nous sommes. Si en revanche, on est adepte d’un État stratège à travers le budget pour la création de richesse, comme semble l’être Boubacar Camara, il est normal qu’il mette l’accent sur la nécessité d’une administration développementaliste agissant avec une éthique à toute épreuve, mais surtout capable de financer sa vision. Engagé dans ce dernier paradigme et conscient de la contrainte de financement de cet état, Boubacar Camara s’est rabattu sur les ressources naturelles à échanger pour financer ses interventions.

Cependant, dans l’argumentaire, Boubacar Camara a plus convaincu sur la gouvernance et l’éthique que sur la création de richesses. En effet, il n’est pas nécessaire d’opérer un troc de nos ressources naturelles pour financer un État stratège, car que ça soit une dette non liée cash fongible ou du troc, dans les deux cas, il s’agira d’une dette garantie par des revenus potentiels y compris de l’exploitation de ressources naturelles. Il est d’ailleurs préférable dans une stratégie d’endettement à moyen terme, de ne pas se lier les mains par le troc avec des partenaires spécifiques, car nous ne pouvons pas emprunter toute la valeur actuelle de nos ressources naturelles en une fois. Même si nous le pouvions, il ne serait pas indiqué de dépenser les ressources correspondantes car l’inflation que ça générerait, au vu des capacités de production limitées à court terme, détruirait notre économie comme c’est le cas dans les pays victimes de la maladie dite « hollandaise » riches en ressources naturelles. Il est préférable d’avoir accès aux marchés financiers (en monnaie nationale ouverts aux résidents et non-résidents ou en devises) et avoir la liberté de financer comme nous le voudrions un état développementaliste en partenariat public-privé. Ces partenariats seraient ouverts à la concurrence dans un cadre macroéconomique maitrisé sans sombrer dans la dépendance vis-à-vis de partenaires spécifiques. Cette dernière façon de faire a effectivement lié les mains de plusieurs pays africains qui ont hypothéqué leurs ressources naturelles à la Chine en échange d’infrastructures. Ces pays n’ont pas nécessairement accès aux marchés financiers internationaux pour d’autres raisons. Le Sénégal n’a pas le même problème.

Ceci dit, même avec cette problématique de financement résolue par la dette fongible plutôt que le troc, il demeure qu’un état stratège financé du fait de sa solvabilité découlant de sa richesse en ressources naturelles bien exploitées, devra être efficace, efficient, et éthique dans sa gestion. De ce dernier point de vue, Boubacar Camara a convaincu.

Que Boubacar Camara nous ait plus convaincu dans le registre du management que du leadership n’est pas étonnant au vu de son parcours professionnel d’Inspecteur d’État. Il a fait un diagnostic de tous les secteurs et a fait des recommandations pour améliorer leur gestion, c’est la perspective d’un auditeur. Il a brillamment exposé la nécessité de séparer 15 fonctions ministérielles politiques de fonctions administratives dans 36 directions pourvues en personnel par le mérite sous le leadership de 9 secrétaires d’état également fonctionnaires. Ces secrétaires d’état seraient sous l’autorité hiérarchique d’un Premier Ministre. Ce Premier Ministre ne pourra en réalité être qu’un administratif et c’est de ce point de vue que nous avons titré notre article, Boubacar Camara, Président ou Premier Ministre. Il nous semble que Boubacar Camara a réussi une interview pour le poste de Premier Ministre et le Sénégal aurait gagné à l’avoir à ce poste pour mener une réforme de notre administration qui la purgerait de l’influence de la politique politicienne et de la corruption. Il en a la crédibilité.

Ainsi, s’il s’avère que le président de la République que nous élirons est adepte d’un État stratège, il aurait une administration efficace, efficiente, et travaillant dans l’éthique sous la direction d’un Premier ministre administratif. C’est ce que le Sénégal a eu sous Senghor (suite à la dualité sur la direction de l’exécutif avec son conflit avec Mamadou Dia) et également sous Abdou Diouf qui a eu à jouer le rôle de Premier Ministre administratif avant de supprimer le poste comme président. Sous sa présidence, les institutions de Bretton Woods ont pris le leadership et lui l’administration avec des Premiers ministres administratifs. La politisation de l’administration sous Abdoulaye Wade nécessite donc un retour à l’orthodoxie et sa restauration, et de ce point de vue, un Boubacar Camara aurait toute notre confiance au vu de la connaissance qu’il en a et qu’il a brillamment démontré dans son livre.

Il laisserait ainsi le débat du leadership se tenir sur, d’une part, la voie d’un État développementaliste pour le Sénégal, ou celui d’un État décentralisé faisant confiance à son secteur privé dans ses diversités locales à appuyer plutôt qu’à orienter dans des directions potentiellement contraignantes. Le troc de ressources naturelles pour des investissements qui pourraient hypothéquer notre avenir inutilement en est déjà un exemple. Une monnaie sénégalaise ou fédérale aux mains d’un État fédéral dirigiste ne serait également pas désirable. À l’échelle nationale, elle impliquerait un état déconcentré plutôt que décentralisé source de convoitises corruptrices, et à l’échelle fédérale, un consensus sur une stratégie de développement qui n’est pas imaginable à court terme. En effet, cet État fédéral serait nécessairement libéral à cette échelle, décentralisé et respectueux des diversités, et la gestion de sa banque centrale hors de portée de l’état développementaliste comme c’est le cas de notre banque centrale régionale. A défaut, son régime de change sera fixe pour que ses composantes nationales adeptes d’un état développementaliste soient contraintes par une discipline budgétaire. Cette contrainte de discipline étant réelle, cet état continuera à étouffer son secteur privé par la fiscalité intérieure ou douanière, et à s’endetter à son détriment.

Nous invitons Boubacar Camara à s’investir dans le chantier de la restauration de la dépolitisation de l’administration sénégalaise, son efficience, son efficacité, et sa probité en œuvrant pour l’élection d’un président de la République qui s’engagerait sur cette voie. S’il s’avère qu’il reste convaincu de la nécessité pour le Sénégal d’hypothéquer ses ressources naturelles et de poursuivre la voie d’un État développementaliste comme ce fut le cas en Asie mais sans les ressources nécessaires et une banque centrale, il pourrait soutenir un candidat avec les mêmes convictions. Les développements du livre ne s’éloignent pas des politiques de Macky Sall qu’il a jugées bonnes dans l’ensemble, et ne s’éloignent pas non plus sur beaucoup d’aspects des thèses d’Ousmane Sonko, s’ils arrivent tous les deux à identifier les secteurs à soutenir pouvant développer le Sénégal.

En revanche à certains endroits, Boubacar Camara semble jouer dans l’équilibrisme en disant que le rôle d’une administration de développement est d’accompagner la création de richesse, ce qui n’est pas la même chose que de définir la voie de création de richesse dans une approche collectiviste et irrespectueuse des individualités et du petit secteur privé non choisi. Nous le citons : « La vocation de l’administration publique est d’accompagner la création de richesse…Elle ne doit en aucun cas constituer un obstacle…ou retarder la mise en œuvre de projets. Elle ne doit ni s’abstenir de faire quand il faut agir, ni retarder ou hésiter à laisser faire, le cas échéant ». Si le « first best » c’est d’accompagner, c’est une administration libérale différente de celle qu’on appelle « Doomed to Choose » ou « Condamné à Choisir » donc développementaliste, bien qu’envisageable si nécessaire dans le « first best ». Boubacar Camara n’a donc pas clairement défini le cap à changer et comme nous le disions en introduction nous pensons que la vision du livre devrait être reformulée et clarifiée.

Dans tous les cas, il pourrait être le Premier ministre de ce président qui gagnerait et s’occuperait de « mettre de l’ordre » pour nous en mettant en œuvre les réformes administratives contenues dans son livre, y compris des institutions qui sont exactement les mêmes qu’actuellement, exceptée une vice-présidence à une femme que nous soutenons. On ferait ainsi d’une pierre deux coups. Il s’occuperait de la « raison », le management de toute la communauté nécessitant une décentralisation autonomisante et responsabilisante respectueuse des citoyennetés locales gages de liberté, et laisserait le « cœur », le leadership, à d’autres comme il en a fait la distinction concernant l’agent en position de service de l’État.

Nous concluons cette revue par dire que nous sommes en accord parfait avec Boubacar Camara sur un Revenu Minimum Garanti qui consacrerait la solidarité nationale donnant l’égalité d’opportunités et non l’égalité des résultats à tous les Sénégalais, tout en protégeant nos couches vulnérables. Son financement est un challenge. Nos amis libéraux sociaux apprécieront, car cette forme de solidarité développée dans le livre est libérale. De ce fait, l’idéologie dite « travail solidaire » proclamée dans le livre est ambiguë. Le fruit du travail libre et non collectif n’appartient en principe à aucune idéologie, mais la forme de la solidarité OUI. En bons libéraux, nous sommes pour la démocratie politique, économique, cultuelle et culturelle, et pour le progrès consensuel et la libre solidarité y compris décentralisée et contre le conservatisme excessif qui serait démocratiquement imposé. C’est l’objet de notre Offre Publique d’Adhésion (OPA) à un Sénégal de liberté, de patriotisme, et de progrès à la classe politique partisane.

Librement.

DPG Reportée Candidat de la Continuité

Le Premier ministre Amadou Bâ, de toute évidence un homme de qualité et de compétence, n’a pas fait sa Déclaration de Politique Générale. Le discours qu’il a prononcé à l’Assemblée nationale, trop long et sectoriellement trop spécifique, devait l’être avant la session budgétaire pour être pertinent car il n’était qu’une synthèse des récents débats budgétaires. Notre problème stratégique n’est pas le listing de ce qu’on peut faire ou qu’on a pu faire avec le budget actuel dans l’éthique et la transparence, nos allocations de ressources budgétaires n’étant pas si mauvaises. Notre problème est une problématique de création de richesse insuffisante pour alimenter un budget à la hauteur des attentes en termes de biens et services publics en quantité et en qualité suffisantes.

Le Premier ministre n’a donc fait qu’une revue du bilan des politiques sectorielles en cours, ainsi que leurs perspectives à très court terme, tout en affirmant clairement que le PSE sera actualisé à la suite de larges concertations. Effectivement, dire qu’on veut un Sénégal émergent en 2035 est trop simpliste comme vision puisqu’une vision doit pouvoir se décliner en une seule phrase qui doit comporter la stratégie principale qu’on compte mener vers cette émergence. Nous comprenons donc que le Premier ministre puisse s’approprier la vision d’un Sénégal émergent en 2035 tout en affirmant que le PSE sera revu, actualisé, et réorienté car il ne s’agit en réalité que de plans changeants au gré des circonstances.

Dans cette perspective, il a appelé à un consensus pour résoudre le problème fondamental du pays, l’emploi des jeunes et la satisfaction de leurs aspirations à la liberté et à l’autonomie. Les autres politiques déclinées qui sont essentiellement sociales et redistributives (équité sociale et territoriale notamment) ne dépendent que de nos capacités budgétaires tributaires de la création de richesse. Il a ainsi donné rendez-vous à la représentation nationale dans six mois pour présenter son programme qui ne pourra être qu’un programme de campagne, le sien, mais dans la continuité. Dans la continuité, car malgré sa volonté nouvelle de réorienter le PSE pour qu’il soit porté principalement par le secteur privé national à financer par la mise en place d’une Banque publique, certains paramètres sur lesquels il ne compte pas s’appuyer feront que son programme ne pourra s’inscrire que dans la continuité. En effet, dans les grands axes qu’il a déclinés pour ce PSE actualisé en perspective, il compte ajuster le cadre macroéconomique et stabiliser la dette, ce qui est bien, mais il ne compte pas sur la décentralisation en pôles économiques, certains contrôlés par l’opposition, et ne voit pas un problème avec la monnaie dans le consensus qu’il compte bâtir. Il ne pourra donc produire qu’un consensus de continuité des politiques publiques alors que la jeunesse aspire à la rupture. Amadou Bâ ne pourra, de ce fait, pas présenter une offre de changement bien qu’il semble avoir la volonté de dépasser les stratégies jusque-là menées en appelant à une réflexion collective sur le développement de notre économie sans autosatisfaction.

De ce point de vue, la répétition est pédagogique mais nous n’allons pas aborder la question monétaire sous l’angle de la compétitivité du taux de change, de chocs qu’il peut absorber, ou de la discipline budgétaire possible sans arrimage même si elle n’est pas appliquée par les républiques indisciplinées. Cependant, quitte à être technique, puisque le Premier ministre a qualifié la question de complexe, nous allons emprunter un autre chemin de persuasion pour convaincre nos élites de la nécessité d’une réforme monétaire pour une émergence portée par le secteur privé national et à la base. Le lecteur qui ne comprendra pas nous en excusera. En effet, ayant écouté nos députés, nous avons l’impression que la problématique n’est pas suffisamment maîtrisée par ceux qui ont en charge notre destinée. Néanmoins, la nécessité de l’inclusion financière du privé national pour une émergence patriotique semble maintenant s’installer dans le discours puisqu’on parle d’une banque publique qui n’est pas la solution puisqu’étant une option quasi budgétaire avec les mêmes travers dans notre cadre actuel. Il reste cependant la question monétaire.

De quoi s’agit-il ? Dans un article de 2019 intitulé « SENEXIT : Libéralisme Patriotique ou Socialisme », notre thèse principale était que le Sénégal devait prendre son destin en main par l’autonomie monétaire à l’échelle nationale ou sous-régionale avec une inclusion financière de nos populations, entreprises et collectivités locales et en finir avec la socialisation du développement par les plans centraux. A défaut, notre émergence sera financée par le privé extérieur et ne sera pas patriotique et inclusive, nos populations se contentant de la redistribution par l’état central. Pour comprendre il faut d’abord savoir qui du gouvernement ou de la Banque Centrale Régionale a le contrôle sur la stratégie de financement de nos pays. La réponse à cette question déterminera également la réponse à la question de savoir si notre émergence sera portée par le secteur privé national ou étranger.

Au Sénégal, l’appartenance à l’UEMOA et l’arrimage de notre monnaie à l’euro ont comme conséquence que c’est monsieur le gouverneur qui dirige, s’il n’est pas lui-même dirigé par la Côte d’Ivoire, ou le capital étranger. La raison est que le financement de nos déficits budgétaires et de nos économies en monnaie nationale dépendent des limites que peut permettre le financement de la banque centrale pour la préservation de ses propres équilibres et objectifs (notamment d’inflation qui affecte la compétitivité et de réserves de change pour garantir la parité monétaire). Ces limites s’imposent, quel que soit notre potentiel de croissance inclusive que le financement de nos petites entreprises pourrait permettre car cette croissance pourrait avoir besoin de devises étrangères pour des importations. Cette situation nécessite que nos états et notre économie sollicitent des ressources en devises puisque les étrangers ne veulent pas nous financer en monnaie nationale sans garantie de pouvoir retourner dans leurs devises sans risque de change. Si la Banque Centrale privilégie ainsi le leadership du capital en devises facilité par l’arrimage de notre monnaie, cela veut dire que le Sénégal doit accepter ce leadership du capital étranger à travers l’état ou directement dans l’économie pour son émergence. Si le déficit budgétaire de l’état est maîtrisé, comme le Premier Ministre en a l’intention, mais qu’une banque publique mobilise des ressources que le secteur privé bancaire ne prêtait pas, les mêmes besoins de devises se poseraient si l’état absorbe le risque que le privé bancaire ne prenait pas et que l’exutoire du taux de change n’est pas disponible. Il découle de ce qui précède que l’arrimage de notre monnaie à l’euro et la gouvernance de la BCEAO peuvent déterminer l’ordre social de demain devenant ainsi une question éminemment politique par rapport aux aspirations de liberté et d’autonomie de notre jeunesse. Si nous utilisons des ressources en devises provenant de nos ressources pétrolières et gazières pour accommoder des pertes de devises que l’arrimage nous impose, nous les aurons potentiellement gaspillées.

Nous venons de sortir d’une crise sanitaire qui a nécessité d’organiser une résilience systémique par des politiques de substitution aux crédits au secteur privé conjoncturellement en retrait, des déficits budgétaires plus élevés et financés par le marché financier régional et les capitaux étrangers dont le FMI. Dans ce contexte, notre banque centrale avait dû changer de politique. Elle avait entamé une politique monétaire restrictive de volume de financement entre 2016 et 2019 et encouragé nos états à se financer sur le marché des eurobonds pour reconstituer ses réserves de change gaspillées à la suite d’une politique de financement trop accommodante de déficits budgétaires du Sénégal et de la Côte d’Ivoire. À la suite de la crise sanitaire, elle a mis en place en 2020 une politique monétaire accommodante sans restriction de quantité, par nécessité, avec des taux d’intérêt à la baisse puisqu’elle ne pouvait mesurer l’ampleur du repli du secteur privé pouvant accommoder le financement des États. Dans la mesure où les capitaux étrangers sont venus financer les États en masse, l’annonce d’une baisse des taux d’intérêts directeurs qui ont peu d’influence sur le marché bancaire puisque ce dernier est en excédent de liquidité, n’a principalement influencé que le coût du crédit des États. La disponibilité de ressources de la banque centrale sans limites ne posait pas de problèmes puisque les réserves de change à perdre en contrepartie des dépenses budgétaires étaient financées par les capitaux étrangers en plus des droits de tirages spéciaux du FMI.

Une fois ces ressources extérieures absorbées en pertes de réserves de change au fur et à mesure des dépenses des états comme c’est actuellement le cas, la banque centrale devra progressivement revenir à sa politique quantitative restrictive de 2019 pour continuer de préserver ses réserves de change. Ceci d’autant plus que l’inflation d’origine monétaire et interne commence à augmenter. Ses taux d’intérêts directeurs qu’elle a récemment augmentés, nous l’avons déjà dit ailleurs, n’ont pas grande importance pour le marché de l’UEMOA puisque la liquidité déjà disponible auprès des banques n’est pas une liquidité qu’elles ont l’intention de prêter au secteur privé quel que soit le taux, mais aux états. L’augmentation progressive des taux directeurs de la BCEAO, dont celle du 9 Décembre 2022, jusqu’à leur niveau de 2019, ne sera donc que cosmétique et ne feront qu’augmenter le coût de financement des états et être en cohérence avec la tendance des taux de banque centrale européenne. Les États s’ajusteront au rythme de la disponibilité du financement extérieur s’ils ne veulent pas créer un effet d’éviction sur leur secteur privé qui reprend progressivement son activité. C’est surtout le cas en Côte d’Ivoire et ce serait le cas au Sénégal si une banque publique devait s’accaparer de la liquidité disponible au niveau des banques privées qui financent le secteur privé financièrement déjà inclus. Au vu des contraintes de niveau d’endettement soutenable et de vulnérabilités extérieures qui s’imposent à nos états, leur destin de financement n’est pas entre leurs mains dans notre architecture monétaire actuelle, mais entre les mains de la Banque Centrale Régionale. Il leur faut au prorata de leurs poids économiques peser sur la politique de financement de la banque centrale dans le respect de son autonomie d’objectif sur une inflation faible, un taux de change flexible, des taux d’intérêt pertinents pour le marché, afin de pouvoir atténuer la contrainte de réserves de change et favoriser un développement endogène.

Cette lecture politique et macroéconomique clarifie que la politique de celui qui dirige, donc monsieur le gouverneur ou des gouverneurs d’une BCEAO réformée, déterminera ce que celui qui NE DIRIGE PAS peut faire puisqu’il n’a pas de banque centrale propre. En effet, nous sommes sortis d’une crise sanitaire pour entrer dans les conséquences des politiques qu’elle a nécessitées (plafond atteint d’endettement à stabiliser), de même que les politiques que la crise sécuritaire russo-ukrainienne a imposées. Les options qui s’offrent à monsieur le gouverneur vont donc déterminer ce que ceux qui NE DIRIGENT PAS seront obligés de faire. Dans le cadre institutionnel actuel, ceux qui ne dirigent pas et qui n’ont plus de marge de manœuvre d’endettement interne ou externe seront à la merci du secteur privé international, du capitalisme d’états étrangers, et de l’intermédiation d’organismes internationaux de développement. Ces options ne correspondent pas aux aspirations de notre jeunesse : le courage du leadership de notre avenir et de notre destin.

Si la déclaration de politique générale de Juin 2023 n’aborde pas ces problématiques, et nous sert à nouveau un listing de politiques sectorielles à financer par le budget qui lui-même dépend de la richesse créée, elle sera passée à côté. Si la Déclaration de 2023 ne nous parle que des réformes du climat des affaires qui doit être bon et neutre pour tous sans aborder ces questions, ces réformes ne seront que pour le secteur privé national et étranger financièrement inclus. Si la déclaration de 2023, ne parle pas de pôles régionaux en compétition entre eux et avec le monde et inclus financièrement avec l’aide de l’État, l’émergence ne pourra pas être inclusive. Les entreprises sénégalaises, pas nécessairement des champions nationaux, sont les petites et très petites entreprises de l’informel et de l’économie solidaire dans les territoires et notamment les centres urbains épicentres des territoires. Si en revanche l’État central compte mener le processus de création de richesse par le budget et une banque publique, il devrait nous dire quels sont ses choix de secteurs et de territoires en tant qu’État développementaliste et socialisant. La transformation structurelle de l’économie ce ne sont pas les infrastructures par l’endettement, mais par l’industrialisation et la formalisation de l’informel pour créer de la richesse pouvant alimenter un budget de biens et services publics y compris les infrastructures. Il faudra choisir car ce qui nous a été servi hier n’est pas une déclaration de politique générale. C’était une déclaration de politiques sectorielles spécifiques et une prise de rendez-vous puisque le président n’a pas encore choisi de dauphin. Même dans les secteurs, il est préférable de nous parler de politique générale, notamment la gouvernance des secteurs de l’agriculture pour une révolution agricole par l’agribusiness, de la santé, de l’éducation dans lesquels nous dépensons beaucoup de ressources mais avec peu d’efficacité.

Notre Offre Publique d’Adhésion (OPA) à la majorité silencieuse de citoyens sénégalais est à un Sénégal de liberté, de patriotisme, et de progrès dans le sillage du Manifeste d’Andorre des libéraux. Il s’agit d’une alternance doctrinale que nous n’avons jamais connue et qui nécessite une nouvelle architecture monétaire et un pays décentralisé en pôles économiques autonomes.

Librement.

Soutien à Sonko, OPA sur Yewwi-Wallu

Soutenir Ousmane Sonko c’est soutenir l’idée d’une alternative au statu quo, mais pas nécessairement le contenu actuel de l’alternative et son leadership. De ce fait, tout en le soutenant, il faut une offre publique d’achat (OPA) sur Yewwi-Wallu qui est la coalition électoraliste compétitive dont le projet alternatif est à clarifier. Dans le jargon financier, une offre publique d’achat (OPA) est une démarche pour la reprise d’une société par une autre qui considère que la société convoitée a plus de valeur que sous la gestion actuelle d’un certain leadership et projet. L’OPA est amicale lorsque le leadership de la société convoitée accepte que sa valeur serait plus importante sous un autre projet. Elle est hostile lorsque la société qui convoite approche directement les actionnaires de la société convoitée pour racheter leurs actions sans l’accord du leadership actuel.

Dans notre champ politique partisan que nous avions souhaité bipolarisé, l’alternative électoralement compétitive face à l’hégémonie de la coalition du pouvoir et son projet du statu quo de dépendance de l’extérieur, c’est Yewwi-Wallu sous le leadership spécifique d’Ousmane Sonko. Ce dernier est soutenu par les militants d’un Sénégal souverain (ou actionnaires de l’idée) que nous souhaitons libéral, patriotique, et progressiste (Moom Sa Bopp Mënël Sa Bopp). Ce libéralisme patriotique et progressiste, un libéralisme de gauche, qui pour nous représente l’alternance doctrinale dont le Sénégal a besoin pour se développer, a été défini dans nos contributions intitulées «SENEXIT: Libéralisme Patriotique ou Socialisme? » et «ECO et Libéralisme, Relever le Défi d’Abdoulaye Wade ». Malheureusement, depuis la précampagne, Yewwi a adopté une stratégie populiste et électoraliste qui peut marcher mais avec un projet collectiviste et socialisant depuis les élections locales. Nous avions appelé à clarifier ce projet dans notre contribution intitulée «Ousmane Sonko, Dilemme entre Libéralisme et Collectivisme».

Nous soutenons donc Yewwi-Wallu électoralement, mais recommandons une OPA amicale ou hostile sur le projet qu’il est censé représenter car il n’est pas encore libéral et Wallu n’a pas de programme libéral différent de celui du pouvoir mais ne peut pas le rejoindre. Accepter qu’Ousmane Sonko porte le leadership sur le plan électoraliste et populiste de l’alternative, et soutenir sa coalition aux législatives pour exprimer le désir de changement, n’exclut donc pas une OPA amicale ou hostile sur le projet de Yewwi-Wallu en direction de l’élection présidentielle de 2024.

De ce fait, tous ceux qui veulent une alternative au pouvoir devraient voter pour l’inter-coalition Yewwi-Wallu bien qu’il soit très probable que les libéraux votent la liste nationale Wallu dans les départements où Yewwi porte le drapeau. En effet, les libéraux risquent de voter leur liste nationale dans les départements où Yewwi porte la bannière à cause du dilemme bien connu du prisonnier auquel leurs électeurs avertis feront face. Le dilemme du prisonnier pour ceux qui ne sont pas familiers avec le concept est un problème rencontré par deux prisonniers complices d’un crime pour lequel la police n’a pas assez de preuves et qui faisant l’objet d’interrogatoires séparés décident de collaborer et ne pas avouer leur crime. Si l’un confesse et l’autre non, le premier est libéré et son complice écope d’une peine de 20 ans de prison. La même offre est faite à son complice. Si tous les deux confessent, ils se retrouvent avec 10 ans de prison chacun. Si aucun des deux ne confesse, ils écopent de 5 ans de prison chacun pour un crime de moindre importance au vu des preuves. La meilleure solution est la coopération, ne pas avouer, et prendre 5 ans. Cependant, l’un des prisonniers a un fort incitatif à avouer et se retrouver libre s’il pense que son complice va respecter leur accord en ne confessant pas le crime. Ceci est d’autant plus probable s’il n’y aura pas de représailles de ce dernier sous les barreaux pour 20 ans et que la situation ne se reproduira pas de sitôt. Au final, ils risquent tous les deux d’avouer leur crime.

Dans le cas de l’inter-coalition Yewwi-Wallu, les militants des deux coalitions ont donc intérêt à voter pour leur propre liste nationale là où leur coalition n’est pas tête de file pour maximiser leurs députés surtout si leur allié respecte l’engagement dans les départements qu’il ne dirige pas. Ils ont d’autant plus intérêt à voter leur propre liste nationale s’ils pensent que leur apport ne permettra pas à l’inter-coalition de remporter un département ou que l’allié peut l’emporter sans leur apport au vu des résultats des élections locales. En effet, la coalition au pouvoir a remporté la plupart des départements malgré les divisions dont le poids a été pesé et qui seront moindres aux législatives. Nous nous attendons donc à une victoire de la coalition du pouvoir d’autant plus que la question d’un troisième mandat du Président Macky Sall n’est pas encore à l’ordre du jour. Il n’est également pas question de faire dans le populisme de gauche (promesse de réduire les prix ou de renégocier des contrats) ou le populisme de droite conservateur (promesse de criminaliser l’homosexualité dont la pratique ouverte est déjà réprimée par la loi).  Il est question pour le Sénégal de poursuivre sa marche jusqu’à la Présidentielle pour que le pays et les investisseurs privés nationaux et internationaux ne fassent pas du surplace plus tôt que prévu. Ceci d’autant plus que le Président de la République peut reconduire les crédits budgétaires votés en 2022 pour les années 2023 et 2024 et que l’orientation budgétaire pluriannuelle est déjà approuvée. Il est donc surtout question de peser les oppositions au régime avant la présidentielle et de ce point de vue il s’agit principalement de peser Yewwi-Wallu.

Par ailleurs, nous avions noté qu’à la suite d’une victoire de la coalition au pouvoir, le Président Macky Sall ou sa majorité pourrait appeler à un référendum avec une seule question : Est-ce que vous souhaiteriez que l’assemblée que vous avez élue confirme un Premier Ministre et un Président de la République dans un nouveau régime politique ? Si la réponse est OUI, il pourrait ne pas y avoir de Présidentielle au suffrage direct en 2024. Ce serait inacceptable car c’est notre régime présidentiel centralisé où le pouvoir distribue les privilèges et tient la bourse qui permet de gagner des locales et des législatives pour gouverner. Si la réponse est NON, comme elle devrait l’être au nom de l’exigence de respect de la parole donnée, Macky SALL pourrait néanmoins être candidat en 2024 bien que nous en doutions. Si sa candidature est éventuellement validée par le conseil constitutionnel ou celles de ses dauphins potentiels, ces candidatures devraient avoir en face, non pas la rue principalement, mais un projet alternatif par rapport au bilan et des perspectives de co-construction de notre développement avec l’étranger. C’est le défi de Yewwi-Wallu.

De ce fait, et comme nous l’avons développé ailleurs, il n’est pas souhaitable que le leadership d’Ousmane Sonko soit contesté dans la coalition Yewwi-Wallu par une compétition électoraliste partisane à l’intérieur de cette inter-coalition ou à l’extérieur en direction de la présidentielle de 2024. Même avec les libertés de certains leaders recouvrées du fait d’une réforme du code électoral par le pouvoir ou du fait d’une cohabitation improbable, la priorité de cette inter-coalition, et de toute l’opposition partisane actuelle qui doit la rejoindre, doit être la définition d’un projet alternatif pour la liberté, le patriotisme, et le progrès. A défaut, cette opposition devra faire face à une OPA hostile de forces citoyennes non partisanes pour cette alternative.

Ce projet alternatif à ce que fait le pouvoir n’est actuellement pas représenté dans l’opposition où seul ARR Sénégal résiste encore à la bipolarisation du champ politique partisan. Cependant, AAR Sénégal que nous avions mis dans la catégorie qu’on a appelé les frustrés du pouvoir qui ont élu le pouvoir, était avec le pouvoir, ont un pied dans le pouvoir en la personne d’Idrissa Seck dont ils ont soutenu le projet à la Présidentielle de 2019, n’a pas de projet alternatif. Dans la charte de leur contrat de législature figure l’objectif d’un rassemblement de l’opposition pour une alternative et un projet souverain de développement. Ceci après qu’ils se soient pesés sans adhérer à un projet de cette opposition au-delà du refus d’un troisième mandat hypothétique. AAR Sénégal, comme pour Yewwi-Wallu en campagne, n’a que des propositions de mesures de gestion dans le cadre du statu quo du paradigme du pouvoir : c’est-à-dire, le leadership d’état pour notre développement par des lois et règlements ainsi que des plans et options alternatives d’allocations de ressources budgétaires limitées d’un état qui n’a pas les moyens de sa politique y compris sociale. C’est le bilan du pouvoir, croissance et orientation sociale insoutenables par l’endettement extérieur et vulnérables aux chocs. Il n’est pas étonnant que ARR, comme certaines composantes de Yewwi-Wallu également anciens frustrés du pouvoir, aient soutenu le programme d’Idrissa Seck à la présidentielle de 2019 qui ne proposait pas une vision nouvelle. Ce dernier a été cohérent.

Aucune coalition n’a remis en question le système qui est la centralisation constitutionnelle de l’État et de ses plans au plus déconcentrés, ainsi que notre appartenance à une zone monétaire et ses conséquences sur nos possibilités de gestion et de financement de notre développement par un état dirigiste. Yewwi, par le biais de PASTEF, ne s’en démarque que sur une seule proposition, l’autonomie monétaire qu’il n’a pas mentionnée en campagne alors que la nouvelle convention de coopération validée par le Parlement français sur notre future monnaie l’ÉCO attend sa ratification par les parlements des pays de l’UEMOA. Dans l’intérim, le FCFA tel qu’on l’a administrativement connu est mort, mais reste inchangé sur le plan pratique et notre pays dans l’UEMOA et la CEDEAO ne changera pas en conséquence quel que soit ce qu’offre l’opposition. Le régime monétaire est du domaine de la loi de même que les prérogatives des collectivités locales.

Nous reviendrons dans une autre contribution sur la nécessité d’un SENEXIT de l’UEMOA si nous voulons prendre notre destin en main avec un patriotisme économique véritable et un projet souverain de développement comme l’appelle AAR de ses vœux. Dans l’intérim, nous appelons à voter pour le leadership spécifique d’Ousmane Sonko et la coalition Yewwi-Wallu pour ce qu’elle pourrait être après les législatives avec un projet partisan de souveraineté nationale assumée mais ouverte sur le monde et progressiste. A défaut, une OPA citoyenne sera nécessaire.

Librement

Dr. Abdourahmane SARR

Président CEFDEL

Moom Sa Bopp Mënël Sa Bopp

Dilemme de YAW: Liberalisme ou Collectivisme

Nous remercions Ousmane Sonko de nous avoir cité dans son livre « Les territoires du développement » à travers notre contribution intitulée « Consensus de Dakar, pas le choix de la jeunesse africaine ». Dans cette contribution, nous avions soutenu que nos États de l’UEMOA ne devaient pas considérer les bailleurs et le Fonds Monétaire International comme leur État central et nos États comme des entreprises uniques dans leurs territoires ou des collectivités locales uniques qui collectivisent le processus de développement à travers des projets d’envergure choisis et financés lors de groupe consultatifs notamment. En prenant leurs souverainetés pleines sur la gestion économique, notamment par le décrochage de leur monnaie, la décentralisation en pôles régionaux dans leurs pays leur permettrait de jouer pleinement leurs rôles d’États centraux. Le paradigme de collectivisation du processus de développement ou la gestion de ces pôles comme des entreprises uniques aurait alors plus de chance de réussir.

Cela dit, cette façon de faire n’est pas notre option première. Elle est dans le même esprit que le Plan Sénégal Émergent, bien que plus diversifiée, en collectivisant par des plans aux échelles de plusieurs territoires et de plusieurs leaderships politiques, le processus de développement économique. C’est le paradigme « Doomed to Choose » ou « Condamné à Choisir » des voies de développement économique que nous avons expliqué dans notre critique de la première déclaration de politique générale du Premier ministre Boun Abdallah Dionne « la vision qui sous-tend la déclaration de politique générale a-elle été adaptée au contexte ». Il suppose une analyse des forces et faiblesses d’un territoire (comme une entreprise) et de choisir des voies pour le développer embarquant toutes les ressources du territoire dans ces directions. Des cabinets privés l’ont promu dans nos pays aidés en cela par des bailleurs.

Cette vision, dans le cadre de la décentralisation, oblige une délimitation du pays en pôles sur la base de critères de secteurs à développer et de forces et faiblesses. Le Plan Sénégal Émergent ayant déjà des projets de territoires sur la même base et ayant l’intention de diriger le développement avec des consultations locales certes, n’a pas encore jugé nécessaire d’autonomiser des pôles. Le programme du pouvoir à Dakar (Abdoulaye Diouf Sarr) est dans la même logique. Ceci, parce que ces pôles ne seront pas auto-finançables dans notre cadre institutionnel actuel puisqu’il n’y a pas véritablement de niches fiscales de cette envergure et la coopération internationale est principalement centralisée. C’est ce qui explique le statu quo de l’Acte III de la décentralisation et en partie la séparation inefficace du ministère des Finances et celui de l’Économie, du Plan, et de la Coopération où l’un réfléchit et l’autre administre les ressources. Le véritable ministre est le président de la République qui dirige et bientôt le Premier ministre. Nous en avons parlé dans notre contribution intitulée « Macky Sall : ministre de l’Économie et des Finances ».

Ce paradigme collectiviste est préféré par les organismes internationaux de développement dans le contexte de la décentralisation puisqu’il permet de matérialiser le concept de plan de développement local participatif. Participatif certes, mais dirigé par le leadership politique local dans une division des rôles entre les échelles centrale et locales, toutes les deux contraintes par la non-disponibilité de ressources locales pour financer leurs plans. De ce fait, dans ce paradigme décentralisé, le leadership politique local pluriel est également toujours à la merci des bailleurs et des investisseurs internationaux d’où les agropoles et les zones économiques spéciales du président Macky Sall. Ces projets pourraient réussir, mais ils ne développeront pas une économie résiliente faite de la diversité de ses petites et moyennes entreprises libérées de l’orientation d’intérêts internationaux et de logiques politiciennes.

Le paradigme développé dans « Les territoires du développement » est donc le même que celui du Plan Sénégal Émergent. Ils diffèrent dans les méthodes de mise en œuvre, mais ils ont la même essence. Ils ne libèrent pas le peuple. Mis en œuvre dans plusieurs pôles régionaux autonomes et en compétition, il est cependant plus libéral que sa version centralisée. Il a plus de chance de réussir mais sa planification du développement économique comme on planifierait l’aménagement du territoire et les services publics en fait un paradigme dirigiste. Il n’est pas préféré par les libéraux véritables qui sont pour la responsabilisation des citoyens eux-mêmes et du privé national ou local dans leurs diversités en mettant en place les conditions de leur propre développement, notamment leur financement au niveau local et celui étranger en complément.

C’est cette volonté qui nous avait amené à théoriser notre modèle de monnaie nationale complémentaire au FCFA qui ne correspond pas à ce qui se fait en France, en Angleterre, ou en Suisse qui dans ces contextes et même dans le nôtre sans adaptation auront un impact limité. Limité car les monnaies locales en France et ailleurs comptent sur la vitesse de circulation monétaire (la vélocité) et la volonté des usagers pour avoir un effet de quantité monétaire, et restent convertibles en totalité en monnaie nationale. Ceci fait qu’elles ne sont pas différentes de leurs monnaies nationales dans le fond. Ce qu’il nous faut dans notre contexte est d’approfondir notre secteur financier par l’inclusion financière de nos populations et davantage innover pour avoir le même effet de quantité en volume que le secteur bancaire sans nécessairement compter sur la vélocité ou les banques qui n’arrivent pas à inclure la population. Nous n’entrerons pas dans les détails techniques de notre projet Senxaliss. Ces détails ont été développés dans notre contribution intitulée « Relance post-Covid Endogène : Comment ? ».

Ces éléments de clarification nous permettent cependant d’aborder le dilemme de la coalition Yewwi Askan Wi en termes de leadership politique et de choix doctrinal. Nous avions défini Ousmane Sonko comme un patriote socialisant qui depuis son livre « Solutions » que nous avons critiqué « Ousmane Sonko et le socialisme congénital sénégalais » se rapproche davantage du libéralisme tout en conservant son penchant socialisant au sens de sa volonté de collectiviser ou diriger le développement (le Plan Collectif Local). De ce point de vue, il est devenu un libéral social comme le président Macky Sall, mais plus libéral localement, puisqu’il est prêt à autonomiser les territoires étant en pole position pour en diriger un, la Casamance. Macky Sall a choisi le libéralisme internationalisé socialisant qui met en avant l’État central et ses partenaires étrangers (publics et privés) dans le plan et une fibre sociale de redistribution des fruits (PUDC, CMU, DER, etc..). L’autre leader principal, Khalifa Sall, est un libéral social, non pas au sens de la collectivisation du développement économique, son parti d’origine ayant expérimenté son échec dans notre cadre institutionnel actuel, mais au sens de la redistribution et d’appui à « l’individu », « l’humain » (éducation, santé, cadre de vie, infrastructures de base, etc…). Cette différence a été exprimée à Ziguinchor lors de leur meeting de démarrage de campagne où Khalifa Sall (comme Barthélémy Dias à Dakar) a axé son discours sur l’humain et son autonomie, rejoignant notre slogan « Moom Sa Bopp Mënél Sa Bopp ». Il a présenté Ousmane Sonko comme un futur bon maire de Ziguinchor mais pas nécessairement comme futur président de la République. Ceci n’a pas semblé être le cas des autres orateurs présents et la perception de Sonko lui-même en campagne.

Les leaders de Yewwi Askan Wi doivent davantage clarifier leur slogan et la véritable signification du lieu de démarrage de leur campagne à Ziguinchor. Ils ont commencé à le faire comme nous les y exhortions dans notre contribution intitulée « Yewwi Askan Wi : Erreur stratégique de Pastef » mais leurs visions d’une décentralisation autonomisante et responsabilisante ne semblent pas les mêmes malgré leur volonté de « libérer » le peuple.

La vision collectiviste développée dans le livre « Les territoires du développement » ne correspond également pas nécessairement à la vision de l’économie sociale et solidaire plus libérale qu’ Ousmane Sonko a exprimée en discours à Ziguinchor et qui privilégie une coopération entre le public d’une part et le privé et les citoyens libérés des leaders politiques aux niveaux international, central et local d’autre part qui est notre option. Il faudra clarifier pour les électeurs et les citoyens.

Nous invitons, sans prétention, la classe politique sénégalaise à opérer une renaissance doctrinale car elle est presque dans sa totalité socialisante et collectiviste par nécessité dans notre cadre institutionnel actuel. Nous les exhortons à épouser le Libéralisme Patriotique Progressiste que nous avons développé dans notre contribution intitulée « Senexit :  Libéralisme Patriotique ou Socialisme ? ». Il met en avant les individus d’une part et les responsabilise dans leur propre développement par la diversité de leurs propres plans de développement. C’est son caractère progressiste. Son volet patriotique est facilité par le décrochage de notre monnaie de son lien extérieur. Il est libéral car il met les territoires de même que les individus et les entreprises en compétition. Ceci n’empêche pas la planification de l’aménagement du territoire et des services publics à court, moyen, et long terme aux échelles nationales et locales. Il n’exclut pas non plus le paradigme « Doomed to choose » mais seulement dans les limites de disponibilités de marges budgétaires sans effet d’éviction du secteur privé. Notre état en ajustement n’a pas de marge et ne doit pas gaspiller nos ressources pétrolières et gazières à venir.

C’est le sens de notre décentralisation autonomisante et responsabilisante. Il nécessite l’inclusion financière par une monnaie nationale complémentaire dans 5 pôles régionaux polarisés par des grandes villes et non des pôles à créer principalement sur la base de secteurs choisis ou d’avantages supposés. Cet instrument monétaire sera déterminant dans notre cadre institutionnel actuel. Il permettra de matérialiser une économie sociale et solidaire soutenable et dont l’impact ne sera pas marginal dans un contexte de grande pauvreté. Cet instrument n’a pas été développé dans « Les territoires du développement » d’Ousmane Sonko et ne correspond pas comme nous l’avons dit à ce qui se fait en Europe. Notre modèle a pris en compte toutes les objections exprimées par la BCEAO en 2015 et est prêt pour expérimentation avec tous les élus locaux du pouvoir comme de l’opposition.

Cette posture indépendante par l’écriture et l’influence des débats de fond n’enlève en rien la possibilité d’un engagement politique dans le contexte d’élections comme nous l’avions fait de par le passé. Comme disait Mamadou Dia dans une lettre réponse à Senghor qui lui demandait de renoncer à la politique pour le libérer de prison «…Je crois qu’il faut distinguer la politique en tant qu’intégration dans la cité, dans la communauté humaine, et la politique en tant que déploiement d’une technologie de conquête du pouvoir….. Parler du développement implique, de quelque bout qu’on prenne les problèmes, cette dimension politique…. je n’entends de nulle façon me mettre à entreprendre la conquête du pouvoir.…Mais je tiens à préciser que cette appréciation réaliste n’a pas à prendre la forme d’un engagement invalidant l’idée d’une hypothèse alternative…c’est un principe intangible auquel on ne peut apposer des arrangements particuliers… », disait-il.

Librement

Dr. Abdourahmane Sarr est président CEFDEL

Moom Sa Bopp Mënël Sa Bopp

Opposition Electoraliste: Erreur Stratégique de PASTEF!

Le nom est bien choisi « Yewwi Askan Wi » ou « Libérer le peuple » et il correspond au projet du parti leader de la coalition qui ambitionne de libérer le Sénégal de l’emprise internationale. Il fallait en avoir le courage et présenter aux Sénégalais une coalition politique sous le leadership d’Ousmane Sonko et non une coalition électorale. Les couleurs de la coalition, à défaut de rappeler celles du Parti Socialiste, sont les couleurs de Pastef. Le compromis d’une coalition électorale sans projet commun et un leadership clair dès sa constitution est une erreur stratégique de notre point de vue.

Les élections locales et législatives au Sénégal sont faites à dessein pour être gagnées, du point de vue du suffrage proportionnel global, par le pouvoir et l’opposition d’être représentée. La victoire de l’opposition en 2009 dans les grandes villes n’a pas empêché que les acteurs des assises nationales, artisans de ces victoires, n’aient pas été choisis par les Sénégalais qui ont préféré la continuité par un simple changement d’hommes. Ces mêmes hommes qui ont aidé à élire le pouvoir, étaient avec le pouvoir, ou ont été au pouvoir, sont dans l’opposition et dans la coalition « Yewwi Askan Wi », ce qui montre qu’il ne s’agit pas d’hommes mais effectivement de système. Comme nous le disions dans notre contribution soutenant la candidature d’Ousmane Sonko à la présidentielle de 2019 « Macky La Continuité, Sonko la Rupture« , ce système auquel les Sénégalais sont habitués a nécessité que notre pays soit géré comme une seule entreprise devant présenter ses projets à des bailleurs puisque n’ayant pas les moyens de sa politique. Cet état socialisant a fait l’objet de convoitises corruptrices de tous bords puisque ne pouvant pas satisfaire tout le monde dans sa façon de faire y compris ses propres agents.

Les élections de 2022 ne feront donc pas exception et les objectifs intermédiaires de la coalition électorale, notamment sur les libertés, ne seront pas atteints. Le Sénégal n’a pas un problème de liberté politique et de démocratie. La coalition «Yewwi Askan Wi» devait travailler sur un projet fédérateur qui aurait été minoritaire en 2022 mais compétitif dans un premier tour de scrutin en 2024. Au contraire, la coalition a reporté à 2024 ce qui sera de profondes divergences si tous les leaders constitutifs devaient se présenter à cette élection. Nous aurons alors une compétition entre les tenants des assises nationales ressuscités (du pouvoir et de l’opposition), ceux de Pastef pour des ruptures systémiques fondamentales, et ceux de la grande famille libérale sociale pour la continuité. Il s’en suivrait un risque que la confusion électoraliste, une fois de plus, ne permette pas aux sénégalais d’avoir une alternative politique réellement nouvelle.

De ce fait, le Sénégal n’a pas besoin d’une coalition électorale composée pour la plupart d’acteurs qui nous ont montré ce dont ils étaient capables à un moment ou à un autre en termes de propositions ou de gestion. La cible n’est pas Macky Sall car il ne fera pas de troisième mandat, son régime non plus, mais la doctrine de gouvernance du Sénégal qui n’a jamais été libérale et patriotique et devra l’être pour que nous nous mettions sur le chemin du développement. Comme nous le disions à Ousmane Sonko commentant son livre « Solutions », il ne s’agit pas pour nous de libérer l’État de l’étranger seulement mais plutôt de libérer le peuple lui-même de son État et de sa classe politique à renouveler.

La politique du ôte-toi que je m’y mette pour les frustrés du pouvoir qui ont élu Macky Sall ou qui n’ont pas pu le rejoindre ne peut pas fédérer les Sénégalais. De ce fait, nous exhortons la coalition «Yewwi Askan Wi » de nous définir son slogan et de clarifier ce sur quoi ils peuvent d’ores et déjà s’entendre dans le fond, car l’opposition au régime n’est pas suffisante pour nous.

Le Sénégal n’a pas de problème fondamental de gouvernance, ni de liberté politique, ni d’allocations des ressources. Nous disions dans une interview du magazine Réussir de décembre 2018 que « trois raisons peuvent justifier une alternance politique de façon générale. La première est la corruption et un mécontentement quant à la gestion sur le plan éthique des acteurs. La deuxième est que les gestionnaires de l’appareil d’État manquent d’efficacité et d’efficience ou allouent les ressources publiques de manière inéquitable. La troisième est qu’il faut alterner pour une meilleure stratégie de développement, c’est-à-dire comment faire pour que le gâteau Sénégal soit plus large. Il ne s’agit dans ce dernier cas, ni de corruption systémique, ni d’allocation des ressources ou d’efficacité dans la gestion, mais d’améliorer le processus de développement du pays et de création de richesse.

Pour nous, ce n’est pas un plan de l’État central qui va le réaliser. Notre problème est culturel car on pense que le développement se fera avec notre État central si seulement nous pouvions le libérer de l’influence étrangère. C’est une erreur. Nous pouvons avoir une économie qui crée de la croissance inclusive auto-entretenue par des ressources qui ne viennent pas du pétrole ou du gaz ou de l’étranger, mais du génie de chaque Sénégalais et de sa communauté locale. La question est le comment.

La coalition nous doit une réponse à cette problématique, et les tenants des assises nationales, un contenu de politiques publiques pour prendre en charge les préoccupations bien campées de ces assises. La mise en place de pôles régionaux annoncés en est un élément essentiel et la coalition devra nous donner un signal clair sur les leaders pressentis de ces pôles et surtout leur vision par rapport à l’ensemble Sénégal. Celui de Dakar sera révélateur.

Librement.

Abdourahmane Sarr

Moom Sa Bopp Mënël Sa Bopp