Consensus de Dakar: Pas le Choix de la Jeunesse Africaine
L’Afrique peut être une importante locomotive de la croissance mondiale, c’est vrai. Cependant, il ne faudrait pas faire de cette locomotive, un objectif de l’extérieur financé principalement par l’endettement en devises et l’investissement étranger, facilités par un régime de change fixe sans inclusion financière du secteur privé national. Ce consensus ne peut engager la jeunesse africaine, qui aspire à prendre son destin en main et qui n’a aucun problème avec l’orthodoxie d’une gestion vertueuse qui s’applique à tous les pays du monde. Nous n’avons pas besoin d’un traitement spécial du Fonds Monétaire International et des bailleurs et sommes en phase avec la mobilisation optimale des ressources locales, leur utilisation efficace, et une transparence dans un état de droit et un environnement de liberté économique propice au secteur privé, surtout national.
L’Afrique doit être sa propre locomotive et le reste du monde en bénéficiera nécessairement, y compris en apportant des compléments de ressources mais principalement en monnaie nationale, ce qu’un taux de change fixe ne permettra pas de réaliser. Nous l’avons expliqué dans notre tribune « Senexit: Libéralisme Patriotique ».
A défaut, ce que nous avons qualifié de « Libéralisme Social Internationalisé » réduira les africains à la périphérie dans leur propre continent, à travers la redistribution des retombées de la croissance principalement. Cette forme de croissance inclusive défendue par les Présidents Macky Sall et Ouattara sera réalisée avec le capital et la dette détenus par des non-résidents, en échange de nos infrastructures et d’entreprises étrangères dominantes sur notre sol.
Nous préférons une option qui permettrait aux petites et moyennes entreprises africaines de porter la croissance par leur inclusion financière dans une monnaie compétitive non arrimée.
Pour éviter ce scénario de dépendance de l’extérieur, les Présidents Macky Sall et Ouattara devraient revoir leur paradigme qui; à l’échelle de l’Afrique avec la ZLECA; fournira les instruments modernes qui répéteront l’histoire (exploitation et domination de l’Afrique après la traite négrière et la colonisation).
Les Nobel Modigliani et Miller nous ont expliqué que sous certaines conditions, il n’est pas important qu’une entreprise finance ses actifs avec de la dette ou du capital (encore faudrait-il en avoir), sa valeur dépendant de sa capacité à générer des revenus et le risque de ses actifs. Si nous nous endettons principalement à l’extérieur en devises pour financer notre croissance, nous appartiendrons (notre jeunesse ainsi que la valeur créée sur le continent) à ceux qui nous auront prêté cet argent.
Partant de ce qui précède, nous sommes en phase avec les Présidents sur une monnaie commune UEMOA appelée ECO, les autres pays de la CEDEAO n’ayant pas rempli la convergence macroéconomique nécessaire à notre stabilité. Cependant, nous sommes en désaccord total avec la position selon laquelle un ECO flexible serait synonyme d’inflation, comme défendu par nos chefs d’états et leurs invités du Cercle des Economistes.
En effet, nous devons responsabiliser la BCEAO et lui assigner un objectif de stabilité des prix sans la France ainsi qu’une autonomie d’objectif sur le taux de change et maintenir notre solidarité au vu notamment, de la situation sécuritaire dans la zone. Nous n’avons cependant pas besoin d’être arrimés à des devises étrangères pour avoir une discipline monétaire si nous choisissons d’être responsables.
Comme indiqué plus haut, la transformation de notre inclusion financière (le crédit bancaire) en un capital national sera facilitée par une monnaie flexible dans un contexte de stabilité des prix. Nous l’appelons « Libéralisme Patriotique », car la monnaie flexible soutiendra le maintien du capital dans notre espace, en soutenant notre balance des paiements face à des chocs.
Par ailleurs, l’amélioration de la qualité de la dépense publique dans nos pays nécessitera que nous comprenions que ce qu’un état central doit faire, dont la sécurité est un exemple, est différent de ce qui doit être fait au niveau de pôles régionaux pour que la participation citoyenne, par les impôts et le choix des dépenses, garantisse les bons choix (éducation, santé, infrastructures utiles).
La solution de la qualité est également à ce niveau décentralisé dans le contexte d’un cadre macroéconomique à l’échelle centrale stable avec des déficits soutenables (intérieurs et extérieurs), car finançables par des ressources intérieures et une dette principalement en monnaie nationale. La Côte d’Ivoire et le Sénégal n’ont pas respecté ces principes ces dernières années.
Les pays de l’UEMOA ne doivent pas considérer le Fonds Monétaire International ou la France comme leur état central. Il leur faut davantage responsabiliser les populations à la base et jouer pleinement le rôle d’un état central, libéré des chaines de la dépendance. Pour cela, il faudrait également se départir de la mentalité qui consiste à gérer nos états comme des entreprises. Cette façon de faire est plus appropriée à l’échelle locale, car en compétition avec d’autres échelles locales dans un même cadre macro-économique souverain bien géré. Dans un tel paradigme alternatif, le consensus de Dakar tel que présenté, ne serait pas nécessaire.
Librement !
Dr. Abdourahmane Sarr